Antoinette Gaudreault a toujours habité à Petit-Saguenay. Née le 19 août 1916 sur une ferme dans le rang Saint-Louis, elle s’est mariée avec Vital Côté à l’âge de 23 ans et est allée vivre sur sa ferme, au début du rang St-Antoine, en haut des côtes. C’est là que je retrouve Antoinette et ses belles histoires, dans cette maison centenaire construite par le père de Vital, Pierre Côté. « Mes enfants, et mon mari aussi d’ailleurs, sont tous nés dans cette maison sauf le dernier, j’en ai eu 12 et c’est quand ils sont tous partis pour travailler que j’ai décidé de m’en aller au village, aller vivre avec plus de monde». C’est certain qu’après avoir élevé une famille de douze enfants, le silence d’une maison solitaire peut devenir impressionnant.
À cette époque là, on accouchait avec une infirmière et un docteur, on téléphonait à La Baie et le docteur arrivait. Ensuite, il y a eu le docteur d’Entremont à L’Anse-Saint-Jean. « À part pour ma première, je n’ai pas eu de problèmes. On mangeait bien, on avait de la bonne viande, des bons légumes, des œufs frais chaque jour, du bon lait et on se tenait en forme, poursuit Antoinette. »
« À cinq heures, on se levait tous les matins et j’allais à l’étable avec mon mari. Au début, on amenait notre lait à la fromagerie. Après, il y a eu une beurrerie mais elle a fermé elle aussi, alors ensuite un camion passait tous les jours et montait le lait à La Baie. Au début de notre mariage, on avait 12 vaches et à la fin, quand mon mari est décédé, on en avait 28.
Avec Vital, on se connaissait mais on se parlait pas. Et puis, à un moment donné, il est venu veiller à la Grosse Île. On appelait ça la Grosse Île nous autres le rang Saint-Louis parce qu’on était proche de l’île, de la mer. C’était gros dans le temps, maintenant il y a beaucoup moins de monde. Quand Sagard a ouvert, plusieurs sont partis là pour la terre.
« Mon oncle, il avait un moulin à scie à mer à la Grosse Île. Je me rappelle, une fois, mon père avait fait du bois à L’Anse Creuse, une anse entre L’Anse-Saint-Jean et Petit-Saguenay, et puis quand est venu le temps de le faire scier, il a fait une rafle, il appelait ça une rafle ! Il faisait venir la goélette de L’Anse-Saint-Jean et il crochetait le bois en arrière du bateau, pis il s’en venait au moulin à la Grosse Île… je te dis qu’il s’est passé ben des choses ici ! » s’exclame Antoinette.
À l’époque, il y avait six écoles à Petit-Saguenay, une à la Grosse île, une plus grande au village, une autre dans le cabanage, deux sur le rang St-Étienne et enfin une sur le rang Saint-Antoine, en bas de la côte, là où les enfants d’Antoinette sont allés, tous les jours à pieds.
« Je n’ai jamais eu envie de changer de place, la famille de mon mari, je la connaissais d’avance et on était bien ensemble. À 14 ans, à la fin de ma 7è année, si j’avais voulu faire une maîtresse d’école, il aurait fallu que j’aille étudier à Chicoutimi, mais on avait de quoi faire à la maison, tout se faisait à la main, on ne manquait pas d’ouvrages ! Celle qui se soignait avec des emplâtres de moutarde ou de gomme de sapin, des sirops à la mélasse et au souffre, semble n’avoir manqué de rien d’ailleurs, si on se fie à sa bonne humeur et son regard pétillant !
Et quand je lui demande ce que l’on faisait dans les soirées d’avant la télévision, Antoinette me répond en riant de bon cœur : « on veillait pas tard, on était bien fatigué ! »