Le site de la Nouvelle-France, situé dans l’Anse-à-la-Croix, est aujourd’hui reconnu comme un attrait touristique majeur. En plus de reproduire la ville de Québec telle qu’elle était lors de la première moitié du XVIIe siècle, le site de la Nouvelle-France possède également ses propres mémoires.
Depuis 1996, près de 300 m2 ont été excavés, 166 000 pièces ont été recueillies en ce lieu qui, à l’origine, ne montrait pas un très fort potentiel archéologique. Or, il appert que plusieurs des sites qui s’y trouvent comptent maintenant parmi les plus productifs de tout le bassin hydrographique du Saguenay et ce, même si à l’échelle réelle, il ne s’agit certes pas de lieux ayant été densément occupés.
Tous lieux d’occupation confondus, le territoire de l’Anse-à-la-Croix révèle une fréquentation cinq fois millénaire de la part des Premières Nations. Si l’archéologie n’a pas cette capacité de déterminer qualitativement cette continuité, à savoir par exemple si celle-ci a subi des interruptions au cours des siècles, voire des millénaires, elle demeure cependant en mesure d’estimer la répétitivité d’un comportement et ainsi d’affirmer qu’un lieu fut fréquenté de façon récurrente à travers le temps, sur de courtes et/ou de longues périodes.
La terrasse de 25 mètres qui ceinture l’Anse-à-la-Croix supporterait à quelques endroits une occupation que maints indices datent de trois millénaires avant Jésus-Christ. Sur le versant ouest de l’anse ont été découverts quelques milliers de vestiges en pierre dont la nature et la forme témoignent d’occupations ponctuelles. Alors que le niveau des eaux de la rivière Saguenay léchait des terrasses qui se situent aujourd’hui à environ 25 mètres d’altitude, un ou des petits groupes de quelques individus s’y arrêtèrent en effet pendant tout au plus quelques jours et y taillèrent des outils en pierre.
La principale pierre qui y fut travaillée en est une provenant de régions situées plus au sud, dans la vallée du Saint-Laurent, ce qui suggère que ces gens n’étaient pas des locaux. Notons que quelques indices (éclats de pierre) ont été découverts sur des terrasses encore plus élevées ce qui pourrait suggérer des fréquentations encore plus anciennes.
La fouille de terrasses situées sur le versant est de la rivière à la Croix, à 10 et 15 m d’altitude a résulté en la découverte de nombreux vestiges lithiques(1) et céramiques témoignant de la présence de groupes de petites tailles, il y a de cela entre 350 et 1000 ans, entre 1000 et 2400 ans et entre 2400 et 3000 ans.
La fouille du lieu où les archéologues reçoivent les touristes, amorcée depuis 1996, signale que c’est il y a environ 1000 ans que le palier de 5-10 mètres d’altitude aurait été occupé le plus intensivement. Riche de plus de 60 000 objets, dont les vestiges d’une vaste structure d’habitation et des traces de poteaux, ce lieu a permis d’écrire l’histoire du Bas-Saguenay pour le Xe siècle de notre ère.
Deux autres sites, situés tous deux au sud-est de l’Anse-à-la-Croix, ont non seulement livré un certain nombre de vestiges historiques témoignant de la période historique, mais également quelques pièces lithiques. Cette combinaison de vestiges des Premières Nations et Européens suggère une occupation quelque part entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.
Bref, les fouilles archéologiques réalisées depuis 1996 ont permis de déterminer que pendant des milliers d’années des gens venant de partout se sont arrêtés sur ces lieux pour différentes raisons. Même si les indices les plus anciens retrouvés remontent à environ 5000 années, ce moment où pour la première fois des gens auraient foulé du pied l’Anse-à-la-Croix, ce serait vers 1000 avant aujourd’hui que la fréquentation des lieux aurait été la plus intense.
Alors que les fréquentations précédentes étaient liées à une présence accidentelle (imprévue) découlant peut-être d’événements climatiques, de la tombée de la nuit, voire de la simple fatigue des voyageurs, maints indices datant de cette période témoignent d’un séjour de minimalement quelques semaines à l’Anse-à-la-Croix. Ce site aurait été le camp de base dans le cadre d’expéditions de chasse organisées à l’intérieur des terres.
On venait y exploiter différentes ressources parmi lesquelles le castor qu’on aurait peut-être prélevé dans le secteur du lac Otis, de même que le caribou chassé le long des terres drainées par la rivière à la Croix. Cette fréquentation devait se poursuivre au cours des siècles qui suivirent. Au moment où Cartier passa devant l’embouchure de la rivière Saguenay, il semble que le lieu était encore fréquenté par des gens de Premières Nations dont le lieu habituel de résidence se trouvait sur les basses terres du Saint-Laurent, vraisemblablement dans la région de Québec.
La richesse de certains des sites archéologiques découverts à l’Anse-à-la-Croix, de même que ceux qu’il reste à y découvrir suggère que les archéologues pourraient travailler à cet endroit encore de nombreuses années et constamment contribuer à écrire l’histoire ancienne de cette partie du fjord. Par ailleurs, ces recherches mettent en lumière combien les lieux qui dans le passé, comme dans le présent, montrent un environnement attrayant ont attiré les populations humaines qui circulaient sur la rivière. Ce qu’on a découvert à l’Anse-à-la-croix ne constitue qu’un avant-goût de ce qui se trouve dans le sous-sol de L’Anse Saint-Jean, Petit-Saguenay, Saint-Fulgence, Ste-Rose-du-Nord, etc.
(1) vestige travaillé par la main de l’homme.