Entre canne à pêche et caméra à Petit-Saguenay

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Un homme tient un micro devant un écran
Emile David, grand gagnant du festival PALM 2025 ©Saumon Québec.

Les 30 mai et 1er juin derniers, les rivières à saumon ont coulé jusqu’aux écrans de Petit-Saguenay, dans le cadre du Festival de films PALM (Pêche À la Mouche). Deux projections publiques — l’une à l’Auberge du Jardin, l’autre au Village-Vacances — ont permis à la population locale de découvrir des courts métrages consacrés à la pêche, au territoire et à la préservation des milieux aquatiques.

Le Festival PALM, organisé par la Fédération québécoise pour le saumon de l’Atlantique (FQSA), propose chaque année une sélection de films québécois célébrant la nature et ceux qui la fréquentent. Parmi eux, Au-delà des Aulnaies, réalisé par Émile David, cinéaste établi à Petit-Saguenay, a remporté le prix principal de l’édition 2025.

Une projection au cœur de la communauté

La projection du 30 mai à l’Auberge du Jardin, initiée par Léa Gilbert-Couillard, biologiste et copropriétaire des lieux, a réuni une vingtaine de citoyens, pêcheurs, cinéphiles et curieux. « C’est mieux de regarder ça ensemble que seul chez soi, dit-elle. C’est une belle occasion de découvrir, d’échanger, de faire des ponts entre générations. »

Ce sont quatre courts métrages qui ont été présentés lors de cette soirée. « Y’avait de tout ! De la comédie, du documentaire et de l’extravagant », conclut un participant.

Émile David était d’ailleurs présent pour introduire son film primé. Né d’un projet plus large mené avec le réseau des ZEC, Au-delà des Aulnaies suit une expédition automnale en canot sur la ZEC de la rivière aux Rats, au nord du Lac Saint-Jean. Le film met en valeur ces zones accessibles où l’on campe, pêche et explore à son rythme.

« On voulait mettre en lumière l’esprit d’aventure, se rendre dans des endroits inconnus, sans attente précise, juste avec l’espoir d’un gros brochet », explique Émile. Il nous raconte la projection de son film au festival PALM, devant 900 spectateurs : « Ce que j’ai aimé le plus, c’était de voir les réactions, les émotions des gens face à certaines scènes. On voyait qu’il s’était passé quelque chose de spécial dans la salle. »

Entre récits et préoccupations

Plus qu’un simple récit d’expédition, le film d’Émile propose un regard personnel sur l’état des rivières à saumon. La rivière Petit-Saguenay, qu’il fréquente occasionnellement, est au cœur de ses réflexions : « C’est l’genre de rivière où faudrait pêcher avec une mouche pas d’hameçon. Ça devrait devenir une rivière de salutation, où on dit juste bonjour aux saumons. »

Toutefois, « leur sacrer la paix aux saumons, c’est leur enlever leurs alliés principaux », dit-il, en référence aux pêcheurs. Leurs contributions et leur vigilance participent à la survie de l’espèce.

Pour Émile, le cinéma peut servir à transmettre un attachement au territoire : « Il faut garder les yeux ouverts sur ce qui nous entoure. » Une idée partagée par plusieurs personnes présentes à l’Auberge, sensibles à l’état des rivières du Bas-Saguenay, souvent méconnu ou difficile à évaluer.

Une rivière en adaptation

Ces préoccupations sont également au cœur du travail de l’Association de la rivière Petit-Saguenay, dirigée par Bastien Gaudreault. Le 1er juin, lors du brunch-bénéfice annuel tenu au Village-Vacances, l’Association présentait Une parmi tant d’autres, un film de Félix Lamoureux, également présenté au festival PALM, qui retrace l’histoire et les efforts de conservation de la rivière.

« On ne prévoit pas une bonne saison de pêche », confie Bastien. Une étude en collaboration avec la FQSA s’amorcera prochainement pour mieux comprendre les effets de la sédimentation sur les frayères. En parallèle, l’Association a mis en place un piège à smolts — jeunes saumons d’environ deux ans rendus prêts à migrer vers la mer — afin d’acheminer les poissons à Tadoussac pour reproduction en station piscicole.

Devant le déclin du saumon, l’Association revoit aussi sa stratégie. Un nouveau site Web est en préparation, et des efforts sont investis dans la mise en valeur des activités d’hébergement (chalets, glamping), de camping et de canot. « Il faut que la rivière continue à vivre dans l’imaginaire collectif, même si le saumon se fait plus rare », résume Bastien.

Ce que les projections de la fin mai ont révélé, c’est qu’il existe encore ici une volonté forte de parler du territoire autrement. Avec sensibilité, avec humour parfois, mais toujours avec l’envie de se rapprocher de ce qui nous lie profondément : l’eau, les histoires, la communauté. Et peut-être, dans les années à venir, que la rivière Petit-Saguenay redeviendra un lieu non pas de prises, mais de retrouvailles.