Fernande Tremblay, 92 années de vie à L’Anse-Saint-Jean.

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Au début du XXe siècle, les communications n’étaient pas aussi rapides qu’aujourd’hui. C’est souvent à la messe que l’on faisait des rencontres.

Fernande Tremblay est née le 12 octobre 1923 à L’Anse-Saint-Jean. Fernand Lavoie, son mari, venait de Causapscal. Il est arrivé avec son oncle qui possédait une terre, au début du rang Saint-Thomas. La demi-sœur de Fernande, Louise, de la fameuse pâtisserie Louise, habite toujours la maison familiale où elles sont nées.

« Fernand est arrivé à L’Anse avec son oncle, qui n’avait pas d’enfants pour l’aider. Il avait alors 20 ans. Je l’ai connu trois ans plus tard, au mois de mai et on s’est marié au mois d’août», nous confie Fernande avec un regard coquin. Aujourd’hui, on appellerait ça un coup de foudre.

« Ma mère, Lucine Lavoie, est morte en couches à l’âge de 33 ans. Elle avait déjà eu 13 enfants, 9 de vivants. Huit années après la mort de maman, mon père, Théophile Tremblay, s’est remarié et il a eu 6 autres enfants. À l’époque, on demandait à tous de peupler la province de Québec. Papa, lui, il menait la malle, comme on disait dans le temps. Tous les matins, il partait à cheval pour Petit-Saguenay. Après, il a été gardien de la rivière à saumon.»

À l’époque, pas de télévision ou de téléphone, et les enfants allaient jouer dehors, sur le bord du fjord. Quand c’était le temps des récoltes, tout le monde donnait un coup de main. Fernande est allée à l’école jusqu’à l’âge 12 ans et après la communion solennelle, elle a commencé à travailler.

« Mon plus beau souvenir d’enfance ? J’en ai pas ! On n’était pas riche, on était pareil comme les autres. Mon père, il nous faisait des souliers qu’on mettait toute la semaine, pis le dimanche, on les noircissait avec des tisons de four pour aller à l’église. On mangeait de la sauce à la farine et du lard salé, beaucoup de patates. Une chance, il y avait une grosse roche près du quai où on allait pêcher la truite de mer. On n’avait pas de belles perches comme aujourd’hui, on les fabriquait avec des aulnes, mais ça mordait pareil» se souvient madame Fernande.

« Je ne voudrais pas revenir en arrière et je n’aimerais pas que mes enfants vivent ça, ce que j’ai vécu. On avait des veillées par exemple ! Tout le monde jouait de la musique : du violon, de l’accordéon, de la musique à bouche, de la bombarde, pis on chantait, pis on dansait. Mon mari, c’était un gigoteux, il aimait danser !» dit-elle avec un beau sourire.

Au début du XXe siècle, les communications n’étaient pas aussi rapides qu’aujourd’hui. C’est souvent à la messe que l’on faisait des rencontres. À l’époque, tous les premiers vendredis du mois, il y avait une messe à 6h30 le matin. Il faisait noir l’hiver et les habits n’étaient pas chauds comme aujourd’hui.

« Mon mari Fernand, c’est au bureau de poste que je l’ai rencontré. Sur sa terre, on cultivait mais on n’avait pas assez pour vivre, alors Fernand partait travailler tout l’hiver dans le bois. Moi je restais toute seule, à m’occuper des vieux (l’oncle de Fernand, sa femme et le grand-père) et des enfants, confie Fernande qui a eu 6 enfants, 4 de vivants. On filait, on cardait, on tricotait, fallait habiller nos hommes, pis nos enfants.»

« On mangeait ce qu’on récoltait et la viande, on l’élevait nous autres même. On avait des poules, des porcs, des vaches et des moutons. L’engrais chimique, ça a commencé quand on s’est marié. Pas tout le monde en achetait, mais nous, on en a pris : c’est bon pour la terre qu’ils nous disaient! »

Fernande se trouve bien chanceuse d’être maintenant à la résidence pour aînés : « je dis qu’on est aux petits oiseaux, on s’occupe bien de nous, j’ai un bel appartement, la nourriture est bonne, j’ai vraiment pas à me plaindre ! »