Le tourisme d’hiver au Bas-Saguenay, c’est une histoire qui commence il y a 25 ans, avec la détermination d’une population qui se battait alors pour la survie de son village, de sa région. Sans même l’entrevoir, elle inscrivait là les premiers pas d’une toute nouvelle forme d’économie régionale. Une graine était semée, un rêve se réalisait et semble depuis lui murmurer à l’oreille : s’il nous est possible de créer une montagne de ski alpin, alors … plus rien ne nous arrêtera !
En 2014, force est de constater que cette page d’histoire régionale a été déterminante. Et pas seulement d’un point de vue économique. Le tourisme d’hiver permet de faire vivre la région douze mois par année. Au niveau social et culturel, cela transforme en profondeur la vie des villages, incite de jeunes familles à venir s’installer, contribue à la qualité de vie, tout en permettant à de nombreuses petites entreprises de voir le jour.
La fabuleuse diversité d’activités proposées fait que notre région est bien plus qu’un lieu touristique parmi tant d’autres. Le Bas-Saguenay, c’est une destination avec une signature, une image de marque, une culture et une géographie particulière, celle de la liberté et des grands espaces, des caractères forts et authentiques qui en font un lieu où de plus en plus de visiteurs viennent … et reviennent.
Quand elle a lancé son entreprise de traîneaux à chiens, Plein Air de L’Anse, il y a maintenant plus de dix ans, Vanessa Quintard a croisé bien des regards septiques. On se demandait alors comment on pouvait gagner sa vie avec des chiens. Pourtant, l’entreprise embauche actuellement cinq personnes à temps plein durant la saison.
Elle propose plusieurs types de sorties, dont des expéditions de 2 à 5 jours dans l’arrière pays, des chenaux à Saint-Félix-d’Otis sans oublier les lacs de Rivière-Éternité. Sur ce territoire extrêmement diversifié, 80 % de sa clientèle est européenne. « Notre clientèle est choyée : on ne part jamais à plus de 4 personnes avec un guide et l’on propose des expéditions très personnalisées. C’est certain que ce qui nous différencie aussi des autres entreprises de traîneaux, c’est la beauté du village touristique de L’Anse-Saint-Jean. »
Pour développer la clientèle internationale, Vanessa Quintard croit beaucoup à l’attrait des montagnes que l’on partage avec Charlevoix. « Ce que les gens viennent chercher chez nous, c’est l’esprit sauvage, la paix, les territoires partagés avec des loups, des ours et des lynx. Une expérience intime dans des espaces grandioses. Il faut donc préserver nos montagnes, développer un réseau de sentiers sécuritaires, avec des camps et un service de transport de bagages. Ça ne prendrait pas grand-chose pour organiser ce territoire sauvage déjà couvert de sentiers de bois.»
De son côté, Gérald Gagné, président du Club de motoneige du Fjord, ne peut que confirmer. « C’est extraordinaire, les motoneigistes qui arrivent de toute part. Nous autres, on est à la croisée de trois belles régions : notre sentier, il part de Saint-Félix-d’Otis, ce qui nous relie avec le Lac-Saint-Jean. Ensuite, il continue vers L’Anse-Saint-Jean et la Zec d’où l’on peut atteindre le Club des Hauteurs et les montagnes de Charlevoix. Enfin, quand on s’en va vers Baie Sainte-Catherine, on rejoint la Côte-Nord. »
Si le Club de motoneige du Fjord ne tient pas de statistiques, il sait cependant que bon nombre d’hébergements de la région sont remplis de motoneigistes les fins de semaine. Il suffit d’aller au bar du Mont-Édouard pour constater que sa clientèle n’est pas juste composée de skieurs. Pareil pour les restaurants ou les épiceries de la région.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, la motoneige génère des retombées économiques d’environ 90 millions de dollars et la région du Bas-Saguenay, avec ses 143 kilomètres de sentiers entretenus par le Club y tient une bonne place. « Cette économie qui fait vivre nos villages durant l’hiver, c’est ensemble que nous la bâtissons. Juste pour le tronçon qui va du Mont-Édouard au fjord, l’accès des motoneigistes nécessite 65 droits de passage que nous devons renouveler chaque année », conclut Gérald Gagné.
À Petit-Saguenay, l’hiver se joue autour de l’Aréna de la Vallée. Ce n’est pas un lieu touristique à proprement parler, mais avec ses tournois organisés chaque année, qui font découvrir notre région à des équipes en provenance de Charlevoix, du Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord et même de la Ville de Québec, on peut dire qu’il y tient une place importante.
« Les joueurs qui viennent ici en grand nombre sont d’abord attirés par la qualité professionnelle de notre Aréna. Mais ensuite, ils sont impressionnés par la diversité des activités hivernales que l’on peut pratiquer dans la région. Certains reviennent sans leurs patins », explique Pierre-Luc Gilbert, le nouveau directeur des loisirs de la municipalité.
De plus, l’Aréna permet aux résidents du Bas-Saguenay d’avoir accès à une glace de calibre professionnel et contribue ainsi grandement à la qualité de vie dans notre région. En effet, les enjeux du tourisme d’hiver ne sont pas uniquement économiques, ils sont aussi culturels et sociaux : ils permettent aux habitants du Bas-Saguenay de vivre au beau milieu d’un territoire aux activités de plein air de qualité.
L’association de pêche blanche de L’Anse-Saint-Jean le voit bien. Sur ses 22 cabanes disponibles à la location, un tiers est réservé pour toute la saison par des gens du village. Les quinze autres cabanes seront louées pour la journée ou la fin de semaine par des amateurs venant de partout ailleurs au Québec.
« 22 cabanes, c’est un bon chiffre, la fin de semaine c’est toujours plein, mais la semaine, c’est plus calme. La pêche blanche, c’est 44 jours maintenant, pas plus, pas moins. Quand tu loues une cabane, tout est fourni, le bois de poêle, les cannes à pêche, les appâts », explique Julien Houde. Avec Patrick Tremblay, ils ont racheté la petite entreprise il y a maintenant sept hivers.
Ces deux natifs de L’Anse-Saint-Jean ont passé leur jeunesse sur le fjord. En partageant ainsi leur passion avec les touristes de passage, ils transmettent bien plus que de simples techniques de pêche. C’est sans doute aussi pour cela qu’ils ont une clientèle fidèle qui aime à les retrouver chaque année dans le calme immense du fjord gelé.
Il y a deux ans, le parc national du Fjord-du-Saguenay a remodelé son offre en rajoutant deux tronçons de sentiers d’hiver, accessibles en raquettes ou en ski hors-piste, sur une boucle d’environ 24 kilomètres, dotée d’un refuge au Lac de la Chute et d’un camp rustique, les Méandres, surplombant la Baie Éternité. La descente vers la Baie Éternité se fait sur un sentier partagé avec les motoneigistes, ce qui est assez exceptionnel pour un Parc. Un droit acquis pour les membres du club de pêche blanche permet à une vingtaine de cabanes de camper sur le site chaque hiver.
Comme l’indique Graham Park, responsable des communications au Parc, « Tout le potentiel hivernal, avec possibilités de longues randonnées dans l’arrière pays, sera peut-être un jour aussi développé que dans le secteur de la Baie Sainte-Marguerite. Le sentier du Fjord, en plus d’offrir des points de vue exceptionnels sur le fjord, il propose un service de transport de bagages, ainsi que des hébergements en yourte ou en camp rustique. Avec ce type de service, les fins de semaine d’hiver sont toutes réservées. »
L’escalade de glace dans la région est une activité réservée au club très select des crinqués ! Il existe pourtant ici un fabuleux potentiel qui ne demande qu’à être exploré et diffusé. « Nous, on grimpe juste les cascades que l’on aperçoit du bord de la route, mais je suis certain que si l’on prenait le temps, on découvrirait plein de superbes spots » m’annonce Jean-François Girard, adepte d’escalade en tout genre.
Celui qui a ouvert une vingtaine de sites d’escalade de glace, de Rivière-Éternité à Petit-Saguenay, souligne que des endroits comme la montagne Blanche gagneraient à être connus. « La grosse chute est une ascension accessible à pas mal tous ceux qui pratiquent ce sport. C’est même un très bel endroit pour en faire la découverte. Et juste à côté, y’a ce que l’on appelle l’Antiquaire, de niveau plus expert. Enfin, encore à côté, il y a celle que l’on nomme l’Apothicaire, une paroi mixte, de roches et de glace, magnifique… Bref, il y en a pour tous les goûts. »
La création du Mont-Édouard a été le point de départ de bien des projets en tourisme hivernal et ce précurseur a su garder l’enthousiasme et l’audace de ses jeunes années. En développant un nouveau secteur, le ski hors-limite, il démontre encore une fois que la culture et l’histoire de la montagne, s’accompagnent d’une volonté à prendre des risques.
« C’est la communauté qui permet tout cela! Quand on pense à un projet de développement touristique, de développement régional, cela se traduit dans un paquet de petits événements et j’aime penser comment chaque action peut porter un bien dans la culture régionale, j’aime avoir une vision globale du projet », exprime Jean-François Jasmin, nouveau directeur adjoint de la montagne.
La haute route au Québec, avec ses 20 % d’augmentation annuelle, c’est le produit d’appel numéro 1 dans le renouvellement de la clientèle de glisse. « Le gros avantage du ski hors-limite, c’est d’abord qu’il fait déplacer des gens. Quand je travaillais au Chics-Choc, 70% de nos visiteurs venaient de Québec ou de Montréal. Ces gens partent rarement seuls en vacances. Or, ici on a le spectre élargi des activités possibles, du bambin qui fait ses débuts sur la pente école, au couple « trentaine aventurière », en passant par les grands-parents en forme de plus en plus longtemps. Tout le monde n’aime pas le ski, mais ils aiment le plein air, se réunir pour festoyer et faire des choses qui sortent de l’ordinaire. »
Le tourisme hivernal au Bas-Saguenay, si l’on se fie aux différents intervenants du milieu, a donc de belles années devant lui et tout un potentiel qui ne demande qu’à être développé. La diversité et la collaboration existent, un maillage très fort s’est installé et notre région se fait tranquillement mais sûrement une place sur la carte du monde.
« Une optique de tourisme hivernal, c’est quand tout le monde travaille dans le même sens. Ici il n’y a pas de compétition ou de cannibalisation. Chacun se perfectionne dans un domaine que l’autre ne peut pas faire. En plus, des lieux de communication, tels que l’association touristique de L’Anse-Saint-Jean, font que l’on est de réels partenaires. Y’a toujours une part de risque, il ne faut pas l’oublier. On essaye quelque chose, on va voir si la réponse est là … » conclut Jean-François Jasmin. Le plus grand danger dans la vie, ne serait-ce pas de ne plus rien tenter ?