Henriette Muckle et Gilles Boies, 65 années de petits bonheurs !

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C’est le 18 août 1953 que se mariaient Henriette Muckle et Gilles Boies dans le vieux couvent de Saint-Félix-d’Otis, là où se trouvent actuellement les bureaux de la municipalité.

C’est le 18 août 1953 que se mariaient Henriette Muckle et Gilles Boies dans le vieux couvent de Saint-Félix-d’Otis, là où se trouvent actuellement les bureaux de la municipalité. « La nouvelle église toute en pierre était alors en construction. On s’est rencontrés quand j’avais 16 ans et on s’est mariés deux ans plus tard », se souvient Henriette en scrutant les photos du mariage. Gilles avait son uniforme de la garde paroissiale et ses collègues encadraient fièrement la sortie du cortège.

Le couvent, c’était aussi l’école ! À l’époque, il abritait les sœurs du Bon Conseil et les enfants de Gilles et Henriette sont allés s’instruire quelques temps sur ses bancs. « Moi j’ai arrêté l’école en 6e année ! s’exclame Gilles sans regrets. À 12 ans, j’allais dans le bois avec mon père ! Nous les jeunes, on écorçait le tremble, des 4 pieds qui servaient à faire de la pulpe. »

« On s’est rencontrés quand j’avais 16 ans et on s’est mariés deux ans plus tard », se souvient Henriette en scrutant les photos du mariage.

Henriette arrivait de Chicoutimi quand elle est allée rester au lac à la Croix, chez Marie-Paule, une de ses grandes sœurs. Sa mère, Maria Jean, était décédée quand elle avait 7 ans, et son père, Amédé Muckle, s’était occupé de ses 14 enfants jusqu’à sa mort. « Mon père ne s’est jamais remarié. Quand ma mère est partie, deux sœurs plus vieilles s’occupaient de nous. Après moi, il y avait encore 5 enfants ! Mais quand mon père est mort à son tour, 7 années plus tard, on ne pouvait plus tenir maison. »

Le logement appartenait à la compagnie et même si Amédé a travaillé 30 années sur la track de chemin de fer, Roberval – Saguenay, la famille ne pouvait pas rester là. « Mon père était chargé de l’entretien à la station Saint-Louis, sur le rang Saint-Louis à Chicoutimi, et le monde venait prendre le train chez nous. La fin de semaine, on allait chez nos sœurs à Bagotville, on aimait ça se promener en train. »

Quand Amédé est décédé à l’âge de 49 ans, la famille s’est alors séparée et, pour ne pas aller à l’orphelinat, les enfants encore en bas-âge sont allés vivre chez des oncles, des cousins, de la famille. C’est ainsi qu’Henriette est arrivée chez sa grande sœur, qui avait déjà 4 enfants. « Elle vivait au lac à la Croix avec son mari Lucien, et moi j’avais 14 ans. Quand je suis arrivée là, j’ai trouvé ça très dur, je ne connaissais personne, et mes frères et sœur me manquaient terriblement. »

L’ancienne église en bois sur le vieux chemin à Saint-Félix-d’Otis.

Gilles a vécu son enfance à la même place. Ses parents y avaient une petite ferme, juste assez pour nourrir la famille. « Avec mes parents, au lac à la Croix, on avait une petite ferme, mais on ne gagnait pas notre vie avec ! On était plutôt des bûcherons, on bûchait notre bois. On n’était pas riche, mais on n’était pas pauvre non plus ! On n’avait pas d’argent mais on n’avait pas de misère pour manger … on avait un jardin, on faisait de la viande l’automne », explique Gilles en regardant tendrement sa femme.

Dans ce temps-là, les jeunes suivaient leur père et ils s’accoutumaient à l’ouvrage ainsi ! « J’étais pas bien haut quand je suis allé pour la première fois dans le bois ! On regardait faire, c’est de même qu’on apprenait ! Et quand je l’ai perdu mon père, j’avais juste 16 ans ! J’étais pas très vieux, mais je savais déjà pas mal toute ce qu’il y avait à faire ! J’étais habitué à travailler moi là ! »

À 12 ans, Gilles a quitté l’école pour commencer son apprentissage dans le bois. Et à 16 ans, il partait la semaine faire des chantiers. « On partait le dimanche, à deux heures dans la nuit, pis on était rendu au lac Pamouscachiou, dans le bout de Shipshaw, à six heures pour déjeuner. C’était dur, on travaillait presque 10 heures par jour, on déjeunait, et après ça on partait dans le bois. Des billots d’épinettes pour le bois de construction et les moulins à scie, ou du 4 pieds pour faire du papier. Le soir, on se reposait sur notre lit et je vous dis qu’on grouillait pas fort ! »

Les hommes dans le bois n’étaient pas vraiment prêts pour l’arrivée de la machinerie et des scies à chaine: « On n’était pas trop habitués, pis c’est arrivé qu’on a pris le tour. Les premières scies mécaniques, c’était pas un cadeau non plus ! On n’avait pas de mécanicien avec nous, et on perdait du temps ! On était à forfait, comme ils disaient ! Si tu ne travaillais pas, tu étais pas payé. Pour couper un gros arbre ça prenait 5 à 10 minutes au godendard. »

Gilles passait une bonne partie de son année dans le bois : « Il y avait des petits boutes au printemps, un mois ou deux, où c’était tranquille. La neige fondait fin février, début mars pis on ne pouvait plus charroyer le bois. »

Au début de leur mariage, le jeune couple est resté vivre presque 10 années avec Ernestine, la mère de Gilles : « Lui il partait toute la semaine dans le bois, et moi, au début, j’étais gênée pas mal de passer toute la semaine avec elle, mais Ernestine, elle était vraiment fine. Une chance même que je l’avais à mes côtés ! Elle s’occupait de moi, elle savait que j’étais toute seule ici et c’est même elle qui m’a appris à faire à manger ! »

« La vie va trop vite maintenant ! » soupire Gilles en souriant tranquillement. En rencontrant ce charmant couple qui semble s’aimer comme au premier jour, on dirait cependant que le temps a pris le temps de faire une belle pause.