Là où se trouve maintenant le café Le Léz’Art était installée autrefois la ferme de la famille Fortin. Léon Fortin et Catherine Houde y élevèrent leurs 7 enfants : Isola, Marianne, Isidore, Thérèse, Martin, Bernadette et Gaétan. J’ai eu la chance de rencontrer Gaétan Fortin, dernier membre vivant de la famille, qui a bien voulu partager avec moi quelques souvenirs.
Remontons dans le temps.
Faut imaginer que la ferme se trouvait beaucoup plus isolée et on disait même qu’elle était hors du village qui se terminait bien avant le pont qui mène au Club des Messieurs. La maison d’un côté et la grange-étable de l’autre obligeait à de multi ples traversées de la route pour aller dans les champs et charrier le lait. Comme tous les cultivateurs à l’époque, la famille possédait une truie, des moutons, quelques poules et un grand jardin en plus des vaches. Les femmes s’occupaient des jardins et de la maison et les gars travaillaient à la ferme.
Monsieur Gaétan me raconte : « Chaque enfant aidait à la ferme à la mesure de ses moyens. C’était normal, on rechignait pas. Au début, je me souviens qu’on transportait le lait avec un joug sur les épaules et à chaque bout une chaudière de lait. On livrait le lait à partir du pont en montant. Mes frères avaient eu une carriole traînée par un chien. Un gros chien blond. Puis quand ce fut mon tour, j’avais pas de chien, juste une carriole ou un traîneau en hiver, avec deux « tray » en métal pour les bouteilles. Un de 12, l’autre de 8.

Pour moi, la journée commençait de bonne heure, j’aidais à la traite, je me changeais, je livrais le lait. Une semaine sur trois, je servais la messe avant de livrer le lait. Alors je pouvais me faire un peu d’argent de poche, j’avais 10 cents si j’étais seul, 5 cents si on était deux servants de messe. Je collectais une fois par mois, fallait être attentif pis savoir compter. Plus tard, il y a eu le système de coupons, c’était mieux ! Et comme on livrait dans tout le village, mon père avait un trailer pis on embarquait dessus. Devant chaque maison, il ralentissait, on sautait pis on livrait le lait. Aujourd’hui, ça serait défendu ! »
Les temps changent
Martin, le frère de Gaétan, prend la relève peu à peu avec sa femme Noëlla. Ils s’occupent de la ferme avec leurs 4 enfants, Jacques, Line, Zélie et Germain, qui s’impliquent jusqu’à leur départ pour les études. Martin poursuit son travail mais dorénavant, le lait est monté à la Baie et revient pasteurisé. Vers 1984, la « run » de lait est vendue à Clément Tremblay. Les années passent, le village se développe.
C’est de plus en plus difficile de conjuguer la ferme avec la route, le trafic, les bêtes qui traversent pour aller aux champs. La maison familiale est vendue en 1985 puis en 1988, c’est au tour du troupeau. Dans les années 2000, la grange change de vocation avec l’ouverture du café Le Léz’Art.