Au Bas-Saguenay, il y a bien peu de chance que l’on voie débarquer une grosse entreprise employant la moitié de la population. C’est un fait établi, plus on s’éloigne des centres urbains, plus les communautés doivent se développer par elles-mêmes. Si créer son emploi parait alors la solution, on doit cependant relever un certain nombre de défis avant de se lancer dans l’aventure. Le premier, et non des moindres, étant de se connaitre soi-même !
Depuis le début de l’année 2017, le projet pédagogique de l’école secondaire Fréchette s’inscrit dans un programme provincial d’École Communautaire Entrepreneuriale. Ce projet se développe autour d’objectifs tels que l’innovation de façon consciente, responsable et autonome, la confiance en soi, le respect des autres, l’esprit d’équipe, le sens de l’organisation et des responsabilités, la solidarité, l’initiative, l’ingéniosité et la créativité. Le directeur de l’école, Raynald Gagné, souligne d’ailleurs : « Ce qui est intéressant avec ce projet pédagogique, c’est qu’il s’adresse à tous les élèves sans distinction, car que tu sois performant ou en difficulté, il est avant tout important d’apprendre à bien se connaitre afin de faire de meilleurs choix. »
Avec cette nouvelle pédagogie, l’école va bonifier des actions déjà présentes, notamment le volet communautaire et ses nombreux projets (skate parc, patinoire, salle de conditionnement) mises en place en partenariat avec la municipalité. Son directeur précise: « Ce projet a reçu un accueil très positif de la part des enseignants du secondaire. Il faut dire que bon nombre d’entre eux demeurent dans la municipalité, ils veulent donc que les jeunes y restent, créent leur emploi, interviennent dans leur communauté. C’est un état d’esprit que l’on veut développer ici ! »
Un projet déployé dans toute la province de Québec
Jean-Sébastien Reid est le directeur général adjoint de l’organisation Idée Éducation entrepreneuriale, dont le mandat est de déployer le modèle de l’École Communautaire Entrepreneuriale au Québec. Dès le début de la rencontre, il mentionne: « Être entrepreneur, c’est une façon d’être, une manière proactive d’aborder les situations en étant conscient de l’impact de ses choix sur notre développement, notre prochain, la collectivité, l’écologie. Avec ce programme, on veut faire en sorte que les jeunes, dès l’école, puissent être des acteurs de changement. Ils ne deviendront pas tous des entrepreneurs mais ils pourront être plus entreprenants ! »
Généralement en classe, c’est l’enseignant qui donne la méthode, la stratégie à suivre et les jeunes, en bons réalisateurs, exécutent ce que le professeur leur demande. Avec cette nouvelle pédagogie, on entend faire jouer aux élèves deux nouveaux rôles, celui d’instigateur et puis de gestionnaire de projet. Ainsi, plutôt que ce soit toujours l’enseignant qui négocie avec la direction, ce sera dorénavant l’élève qui ira lui-même défendre son projet auprès des instances dirigeantes.
« En 2018, ce n’est plus l’église qui est au cœur de la communauté et l’école pourrait bien prendre la place, poursuit monsieur Reid. Dans École Communautaire Entrepreneuriale, c’est le mot communautaire qui apparait en premier. L’objectif n’est pas de générer des revenus, de former des entrepreneurs, mais plutôt de semer des graines, que les jeunes deviennent les acteurs de leur éducation. »
L’ensemble des écoles francophones du Nouveau Brunswick a développé ce modèle dans ses écoles primaires et secondaires. Une douzaine d’Écoles Communautaires Entrepreneuriales ont été implantées à Montréal. Le ministère de l’Éducation soutient dorénavant le projet et cette année, une douzaine de nouvelles écoles, dont Fréchette et l’école du Millénaire à La Baie, se lancent dans l’aventure.
Un secteur économique en effervescence au Bas-Saguenay
Si on en croit Marc-Antoine Tremblay, directeur au développement économique à la MRC du Fjord-du-Saguenay, cette nouvelle tendance éducative s’inscrit parfaitement dans l’effervescence que connait actuellement la région : « L’entrepreneuriat, c’est une voie d’avenir sur le territoire. Durant la dernière année, on a traité seulement sur le territoire du Bas-Saguenay 9 dossiers d’entreprise. Ce chiffre peut paraitre minime, mais cela touche tout de même près d’une cinquantaine d’emplois. On parle ici d’environ 100 000 $ d’investissements de la part de la MRC, et pour chaque dollar investi, il y a un apport minimum d’au moins un dollar de la part du promoteur. Au final, on peut donc parler d’investissements pouvant atteindre entre 400 et 500 000 $ de la part des entrepreneurs. »
À la MRC du Fjord-du-Saguenay, deux éléments majeurs vont être pris en considération avant de décider d’accompagner ou non un projet. Le projet lui-même, le rêve, l’idée du promoteur sont évalués de tout bord, tout côté afin de voir s’il y a une chance d’atterrir dans la réalité. Si c’est le cas, les conseillers de la MRC travaillent avec le promoteur à sa réalisation.
Le deuxième élément, d’extrême importance, c’est le promoteur lui-même. Est-ce qu’il a des compétences entrepreneuriales, le potentiel et la polyvalence pour les développer ? Là encore, il s’agit d’un travail d’équipe entre le promoteur et les conseillers de la MRC qui fera en sorte que le projet pourra prendre son envol.
« Pour se lancer en affaires, il faut faire preuve d’une bonne dose de courage, c’est un peu comme sauter dans le vide, on ne sait pas toujours vers quoi on se dirige. À la MRC, on essaye alors de contrôler l’incontrôlable. C’est pour cela que l’on fait des prévisions financières, on essaye ainsi de rassurer les investisseurs, et quand on fait de la recherche au niveau des marchés, de la concurrence, c’est parce qu’on veut également rassurer le promoteur, lui dire qu’effectivement il y a bel et bien du potentiel pour son produit, conclut Marc-Antoine Tremblay en précisant que son travail ne se fait pas uniquement au démarrage de l’entreprise mais qu’un accompagnement est possible à tous les stades, de l’expansion à la restructuration. »
La SADC (Société d’Aide au Développement des Collectivités) et sa directrice Christine Bouchard le confirment, en entrepreneuriat la tendance est à la hausse. En 2017, sur le territoire du Bas-Saguenay, son organisation gouvernementale a fait le même nombre d’interventions qu’à Ville de La Baie, pourtant 4 fois plus peuplée. Ce dynamisme crée d’ailleurs de nouveaux défis aux entrepreneurs, ceux d’une main d’œuvre vieillissante. Les entreprises devront faire preuve d’ingéniosité et d’attractivité pour pallier ce défi de taille. Il est notoire que ce n’est plus le salaire que les chercheurs d’emploi regardent en premier, il serait même en 8e position sur la liste des critères à prendre en considération. C’est donc vers une meilleure qualité de relations interprofessionnelles, une conciliation travail – famille harmonieuse et un esprit d’équipe favorisant l’initiative, la créativité et le bien-être de ses employés que les entreprises devront se tourner si elles veulent relever ces nouveaux défis !