C’est Élias Côté, que l’on ne présente plus, qui m’a parlé pour la première fois de Bernadette Pelletier : « Cette femme m’inspire, sa démarche d’autodidacte en fait une personne exceptionnelle. Il faut que tu ailles voir le chalet qu’elle a construit, un vrai trésor. » Il n’en fallait pas plus pour que mon envie de la rencontrer s’anime.
Et me voici, par un beau lundi matin, avec madame Bernadette au volant de son 4X4 qui m’emmène sur le chemin des Îles à Petit-Saguenay : « Ici c’est la terre de mon grand-père Adélard Pelletier, c’est aussi là que j’ai grandi. Depuis peu, mon frère Éric a racheté ces terres et j’en suis bien contente ! En 70, mes parents ont dû déménager au village, la municipalité avait décidé de plus ouvrir le bout des îles. »
4 années pour construire seule un chalet
La charpente et le toit ont été montés avec les hommes de la famille, mais pour le reste, du comptoir et armoires de cuisine aux lits, en passant par la table, les chaises, les murs et planchers, les moulures, la salle de bain, tout a été réalisé dans l’atelier de Bernadette : « Mais c’est ça que je vous dis, y’a rien que j’ai pas faite ! À l’époque, on pouvait venir en camion, je travaillais mes pièces dans mon atelier et je venais les installer au chalet. En tout, cela m’a pris 4 années ! » Et voilà que Bernadette m’explique comment elle a construit ses armoires de cuisine sans aucune colle. Pour ce qui est de frises qui ornent certaines pièces, « une technique que j’ai apprise durant mon voyage de deux mois dans les Alpes en France, tu prends un gabarit et une toupie, ton couteau est en angle et te donne ce genre de frise qui décore ton morceau de bois ! »
Dans ce merveilleux endroit, il y a les lits qui ne couinent pas, la chaise qui se transforme en escabeau, les portes d’armoires sans un brin de colle, la table de cuisine aux panneaux s’inspirant d’une technique espagnole ! Élias avait bien raison, c’est une vraie caverne d’Alibaba ce chalet au toit de cathédrale. Celle qui a appris au fur et à mesure, en développant ses propres techniques dans son atelier, me signale que toutes ses portes d’armoires sont faites de pin blanc, du bois récolté sur sa terre.
C’est en venant vivre à temps plein à Petit-Saguenay, en 1997, au moment de sa retraite, que Bernadette découvre cette passion pour le travail du bois : « On avait tellement de bois sur la terre, une grange où installer mon atelier, un moulin à scie. »
Une passion du bois en héritage
Le père de Bernadette, Émilien Pelletier, était charpentier menuisier, son frère Yvan fait du tour à bois, ses deux enfants, Karine et Frank, travaillent le bois, et les 5 petits-enfants de Bernadette, ceux qui sont d’ores et déjà les heureux propriétaires de ce magnifique chalet, ils construisent, entre autres, des skis : « Je trouve ça le fun parce que mes jeunes, avec ce chalet, ils vont toujours avoir de beaux souvenirs de leur grand-maman. C’est précieux, en fait, c’est un legs qui n’a pas de prix ! »
Sur le ton de la confidence, Bernadette conclut ainsi : « Quand je rentrais dans mon atelier, c’était … je n’sais pas comment le décrire… j’oubliais toute, j’étais comme dans un autre monde. Après qu’il a été fini mon chalet, on dirait que j’avais plus rien à faire, une sorte de blues. Maintenant, mes enfants, mes petits-enfants, ils sont tous dans l’atelier. Avant j’ai été longtemps toute seule dans cet endroit, là c’est plus pareil, j’y vais presque plus, j’ai comme perdu mon petit espace … mais c’est correc, parce que je n’ai plus la même énergie ! »
Il est des après-midis qu’on pourrait continuer indéfiniment, des après-midis où on se dit : « Dans une autre vie, je serais apprenti ébéniste et j’apprendrais toutes les techniques de madame Bernadette ! »