Madame Irma Bergeron, doyenne de Rivière-Éternité 

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Irma Bergeron, native de L’Anse-Saint-Jean, est arrivée à l’âge de 5 ans à Rivière-Éternité. À cette époque, au commencement des années 1930, le secteur était nommé le canton Hébert, en l’honneur de l’abbé Nicolas-Tolentin Hébert et de son implication dans la colonisation des régions, notamment à l’Islet-Kamouraska et à Hébertville.

« Nous autres quand on est arrivés icitte, il n’y avait rien, juste la route pour passer et du bois vert, c’est toute », se rappelle très bien madame Irma Bergeron, dont les souvenirs font voyager jusqu’au début de la colonisation de Rivière-Éternité.

Son père, Médéric Bergeron, avec ses frères Ulysse et Louis, ils ont ouvert le territoire du canton. Ces premiers colons se sont installés en haut des côtes, à l’entrée du village quand on arrive de L’Anse-Saint-Jean

« Mon père Médéric, il s’était bâti une cabane pour son cheval, il a fait un mur et il vivait de l’autre bord pendant qu’il construisait notre petite maison. Avec ma mère, mes frères et sœurs, nous, on restait à L’Anse-Saint-Jean, du côté de l’église, proche de chez Delphis Lavoie et Georges Bouchard. Je suis née le 13 septembre 1928. J’avais 5 ans quand on est arrivés ici, début juillet et pas longtemps après, j’ai commencé l’école. »

Irma Bergeron se souvient qu’ils descendaient à pied à l’école, certains même nu-pieds, et tous les soirs ils remontaient la côte.  « J’étais la première de la famille, alors je descendais avec les autres enfants qui vivaient là. On emmenait notre lunch pour le midi. On avait des sandwichs à la mélasse, une virée de beurre parfois en dessert. L’école, elle se donnait à l’église, il y avait des grandes portes devant l’autel, on les fermait pour faire l’école. Ça aidait pour chauffer la place. Il y avait beaucoup d’enfants dans ce temps-là, y’en a plus à c’tte heure ! On s’ennuyait jamais, on jouait dehors, mais je dis pas que c’était mieux avant, on s’habitue, on s’adapte. »

Médéric Bergeron et sa femme Germaine Pelletier.

Du haut de ses 93 années, la doyenne de Rivière-Éternité se rappelle qu’après avoir fait sa 6e année, elle a quitté l’école pour commencer à travailler. « À l’âge de 13, 14 ans, j’aidais dans les maisons, les madames qui avaient des bébés. On nous donnait 10 piastres par mois ! Et quand je revenais chez nous, j’aidais ma mère. J’aimais l’école mais nos parents étaient pauvres dans ce temps-là, on ne pouvait pas aller aux grandes écoles, ça coûtait trop cher. »

Médéric Bergeron était originaire de L’Anse, et sa deuxième femme, Germaine Pelletier, de Petit-Saguenay. « On était 1o enfants chez nous! Mon père, il travaillait dans le bois, en arrière de la maison, il restait avec nous toute l’année. »

Le 26 mai 1936, le feu détruit les 2/3 du village.

« Quand le feu a pris, il y avait un camion dans les côtes, un monsieur de L’Anse-Saint-Jean qui faisait son bois, alors on a marché pour le rejoindre dans son camp. Des machines y’en avait presque pas dans ce temps-là, mais lui il avait un camion et il nous a descendus à L’Anse-Saint-Jean. Après, on est allés coucher chez mon grand-père, Pierre Pelletier et ma grand-mère Françoise. On est restés là tout l’été pendant que mon père reconstruisait notre maison. » Médéric avait sauvé ses animaux. Avec son cochon, sa vache et son chien, il était descendu jusqu’au Petit-Saguenay. « Au village, au magasin général, chez Charles-Édouard Boudreault, il y avait de tout, mais presque pas de viande. Tout le monde avait leurs animaux et ils avaient le droit de les tuer eux autres mêmes, ils débitaient aussi. C’était de la bonne viande … bien meilleure ! »

Trois années à se fréquenter !

Wilbrod Bouchard et Irma Bergeron ont eu sept enfants.

« Mon mari Wilbrod Bouchard, je l’ai fréquenté 3 ans avant de le marier. Il restait dans le rang de Ste-Thérèse, la 3e maison. Son père, c’était tout un personnage, il s’appelait Félix Bouchard ! Lui il faisait de la magie, quand il le voulait, les fenêtres se rouvraient toutes seules. Il arrêtait le sang aussi. Même là, il est mort, et il y en a qui disent qu’ils ont rien qu’à penser à lui, quand leur nez saigne, pis le sang arrête », confie madame Irma.

Pis Wilbrod, il avait des dons lui aussi ?

Non, il en avait pas ! (rires)

Mais il était charmant pareil ?

Oui … oui ! Moi j’avais un bon mari ! Il est mort en 2006, mais j’ai jamais pensé à me remarier ! Il était tellement gentil, très doux ! Mieux que ça, on peut pas trouver !

Avant de quitter madame Irma, je ne peux m’empêcher de lui demander son secret. Promis j’en parle à personne ! Comment fait-elle pour être si en forme ! « Moi je suis une personne qui aime beaucoup aller dehors, quand même qu’il fait froid l’hiver, qu’il fait 30 sous zéro, c’est plus fort que moi, il faut que j’aille dehors, faire un tour, me promener un peu ! Mais attention, pas pour aller placoter chez le voisin, non je vais marcher, j’aime ça être dehors ! »

Pis vous avez un jardin ?

« Cette année, j’en ai pas fait ! »

La maison que Wilbrod a acheté juste avant son mariage. Ancien presbytère de Rivière-Éternité où madame Irma habite encore à ce jour.