Né le 3 janvier 1939, Jo Albert Gagnon a été élevé dans le rang Saint-Étienne à Petit-Saguenay. « On avait une ferme pas tellement grosse mais on a bien vécu ! Mon père, Wilbrod Gagnon, passait la malle dans les rangs Saint-Étienne et Saint Louis. Il l’a fait pendant 20 ans, et pour l’hiver, il s’était fabriqué un snow couvert 4 places que le cheval tirait. Il a aussi construit des maisons, des étables, il était dur à assoir ! »
La mère de Jo Albert, Marie-Anna Bouchard, était native de L’Anse-Saint-Jean. Avec son mari, ils n’arrivaient pas à avoir d’enfants, alors ils ont adopté deux garçons et une fille de l’orphelinat de Chicoutimi. « De mon côté, j’ai fait des recherches, il y a une dizaine d’années. Si je n’ai jamais pu la rencontrer, je sais que ma mère biologique était espagnole … mais ma famille de cœur reste à Petit-Saguenay ! »
L’école était juste à côté de la maison ! Comme beaucoup de jeunes de l’époque, Jo Albert n’a pas dépassé la 7e année « Après ça, j’ai travaillé en dehors. J’avais juste 15 ans, alors j’ai été obligé de me vieillir d’un an quand je suis parti avec des messieurs du village. C’est eux qui m’ont accoutumé à l’ouvrage. J’ai bûché comme ça à peu près 4 ou 5 ans, au camp Pamouscachiou. On passait par Falardeau, puis on montait dans le bois, au lac Joli. On restait là deux à trois mois ! »
À 19 ans, Jo Albert, qui trouve que bûcheron n’est pas un métier d’avenir, décide de partir à l’aventure. Au volant son vieux char, le dessous attaché avec de la broche, il file vers Trois-Rivières. Après deux jours de voyagement, il s’arrête à la première station de gaz, au Cap de la Madeleine. « Je ne connaissais pas d’autre chose que Petit-Saguenay, j’étais mêlé partout ! Je voulais prendre un taxi pour me mener en ville, mais le gars de la station appelle la police : ils sont là pour ça ! »
Le jeune policier l’a ainsi conduit au bureau de chômage, puis auprès d’Yvon Fournier, un gros contracteur qui travaillait partout dans la Province. « Le monde des petites places, c’est des hommes travaillant me dit-il en me serrant la main. Le soir même, je me retrouve dans un avion en direction de la ville de Gagnon, à 300 km au nord de Baie Comeau, où une mine de fer venait d’ouvrir ses portes », se rappelle Jo Albert comme si c’était hier !
Après une journée d’apprentissage, le jeune saguenois qui ne connaissait que les scies mécaniques, se retrouve à chauffer de gros tracteurs. « Un mois plus tard, je conduisais des pelles, des loaders, des 10 roues. Je suis resté un an et demi sans sortir de là, à travailler tous les jours. J’en ai appris des affaires. »
Un beau matin, son boss Yvon l’appelle : « Gagnon, tu sors ! Tu vas te rendre malade ! On va te trouver un char neuf et tu vas t’occuper d’une équipe de gars, 35 hommes sur les lignes. »
Parti sur les routes pour son travail, d’un bord à l’autre de la Province de Québec, Jo Albert a tout de même trouvé le temps de rencontrer sa femme Janine. En 1964, dans le temps des fêtes, son frère lui demande de le mener dans le bout de Périgny pour un souper. Après l’avoir déposé, Jo Albert s’en va l’attendre dans un petit restaurant-dépanneur où la jeunesse se ramassait le soir. « C’est là qu’un homme m’invite à venir chez Rolland Houde, son frère Maurice jouait de l’accordéon, y’avait de belles veillées dans les maisons dans ce temps-là ! J’étais gêné au début mais j’ai commencé à danser, à avoir de l’agrément. J’ai redescendu mon frère à Saint-Étienne et je suis remonté dans Périgny. J’étais dégêné faut croire ! J’ai ramené celle qui allait devenir ma femme chez elle et 15 jours après je l’ai rappelée. Oh que je n’aimais pas ça le théâtre ! … mais je l’ai invitée pareil ! On est sortis certainement deux ans ensemble, et puis on s’est mariés le 19 novembre 1966. On a vécu 53 ans de bonheur ! Elle avait 26 ans et moi 27 ! »
Pour leur voyage de noces, Jo Albert et Janine, fille de Philibert Houde et Marie Gagné, sont partis pendant trois semaine, ont roulé jusqu’à Toronto. « Au début, l’idée ne lui plaisait pas trop, elle n’avait jamais vraiment voyagé, mais elle y a pris goût ! »
Pendant 27 ans, toutes les fins de semaines, Jo Albert arrêtait de travailler le vendredi midi et ils partaient avec leur campeur sur les routes, même s’il mouillait ! « Ma femme aimait beaucoup le country, on courait les festivals »
C’est à cette époque que Jo Albert a de nouveau changé de métier. « Toujours sur la route, arrêter dans des boîtes publiques pour se parler, c’était pas facile pour nous deux, alors je me suis mis à réparer des chauffages, puis j’ai conduit des bus scolaire pour les Gagnon de Petit-Saguenay. C’est là que j’ai commencé à faire des travaux à droite et à gauche. Chauffer l’autobus scolaire, ça ne prenait pas toute la journée non plus ! »
Celui qui n’a jamais suivi de cours est connu d’à peu près tout le monde de St-Siméon à Ville La Baie ! Grâce à lui, on ne jette plus, on répare ! « Gagnon lâche pas ! J’entends ça à la journée longue ! On m’appelle à n’importe quelle heure, ça ne se trouve plus quelqu’un qui se déplace de nuit, mais moi je ne veux pas laisser le monde dans la misère ! »
Quand Jo Albert raconte l’histoire de cette laveuse Kelvinator avec son dash en bois et ses gros pitons en nickelé, ses yeux pétillent : « Une machine construite pour que ça dure, après 42 ans, elle est propre comme à neuf ! Aujourd’hui, tu vas en acheter une, et quand elle a fait 6 ans, c’est une bonne laveuse ! On remplit les poubelles et on dépense beaucoup trop d’argent ! »
Jo Albert, qui ne part pas avant que soit réparé l’objet de sa venue, se trouve chanceux comme un pape avec sa santé de fer ! À la fin de l’entrevue, l’actif personnage m’interpelle de son regard empli de bonté : « Je te dois quelque chose fille ! » Mais non, monsieur Jo Albert, c’est moi qui vous remercie du fond du cœur et au nom de la communauté ! Merci monsieur Jo Albert de nous rappeler aux belles valeurs de la vie, celles de l’entraide et du souci de son prochain !