En 1923, un 24 avril à 11h00 du soir, naissait Marcel Houde. On ne prenait pas de chance à cette époque-là et dès le lendemain, il était baptisé. « Je suis né à la Grosse Île, sur le rang Saint-Louis. Mon baptistère est au Petit-Saguenay. Mes frères et sœurs ne sont pas tous nés là, mes parents étaient journaliers, ils voyageaient pas mal, à Saint-Étienne, à L’Anse-Saint-Jean, à Périgny. Ça les a pas empêchés d’avoir neuf enfants, moi j’étais le septième ! »

Agapit Houde et Marie Côté, les parents de monsieur Marcel, vivaient sur une terre qu’ils louaient. Ils la cultivaient, avaient des animaux. « Mon enfance, c’est pas mal toutes des beaux souvenirs ! On avait de bons parents, fallait que tu écoutes, mais bon c’est normal. On a été bien élevés, pis on a bien élevé nos enfants. »
Marcel se rappelle qu’ils allaient alors à pied à l’église. « On descendait par chez monsieur Philippe Gaudreault et on traversait la rivière. L’été, il y avait un chaland avec une corde, pis on se rendait vis-à-vis de l’église. Et l’hiver, quand la rivière était trop grosse, on faisait le tour et on passait sur le pont. »
Quand ils n’allaient pas à l’école, dans le temps des vacances, Marcel et son frère Grégoire étaient envoyés tout l’été sur des fermes pour aider. « Chez ma sœur Judith à Saint-Étienne, ou à Saint-Félix, chez Rose-Alma, une autre de mes sœurs. Faut dire que mes parents ont eu des enfants sur une grande période et quand j’étais jeune, j’avais déjà des sœurs de mariées. »
Celui qui a commencé l’école à la Grosse Île, se rappelle de la fois où lui et sa famille sont allés hiverner à Saint-Étienne : « Dans ce temps-là, on déménageait avec des chevaux, pis on n’avait pas un gros bagage. On est allés chez Judith, la première des filles. Le monde, ça restait un hiver à une place, l’autre hiver ailleurs ! Ça voyageait en masse, et les maisons étaient toujours pleines ! »
Au printemps, Marcel a fini son l’école sur les côtes, à L’Anse Saint-Jean. La famille habitait alors en haut de chez Grégoire Côté et Mélanie Houde, (Grégoire était le frère de Marie et Mélanie, la sœur d’Agapit) et l’école était juste un peu plus loin, là où actuellement se trouvent les puits artésiens de la municipalité. « On est restés là un an avant d’aller à Périgny, sur notre lot. La maison que j’ai bâtie avec mon père en 1939, c’est mon filleul Léon qui reste là maintenant. »

Périgny a été cadastré en 1920, puis des lots ont été distribués. Le monde défrichait, pour avoir de la terre à cultiver. À l’époque, du bois, il s’en est brûlé pas mal, tellement il y en avait ! « Comme journaliers, on passait l’hiver avec une gang de monde. Ma mère faisait des heureux avec sa fameuse sauce à la patate, mon père avait soin de l’école qui était dans le rang Périgny, du temps qu’il y avait une école de l’autre bord du p’tit Bras (celui qu’on appelle maintenant le Bras à Pierre). Il y avait une traverse, un pont et l’école était de l’autre côté. Mon père s’occupait d’y chauffer le poêle. Y’avait pas guère d’enfants d’abord, ils étaient rien qu’une dizaine. Ça commençait juste à se bâtir dans Périgny. »
Dans ce temps-là, le coin des routes et le village en bas ne s’entendaient guère, ils voulaient même se séparer ! « Quand le feu a passé à Rivière-Éternité, le curé Bouchard avait dit : on ferme Périgny, on envoie les familles à Rivière-Éternité, y’a de la belle terre qui vient de brûler, bonne à défricher ! Mais personne y est allé ! »

Monsieur Marcel a quitté l’école jeune pour aller travailler dans le bois. « On faisait du syndicat l’hiver et l’été, on entretenait les chemins ou on travaillait sur les moulins. Chaque homme avait son cheval, les chemins n’étaient pas ouverts, et dans le commencement, on n’avait rien que des sciottes ! Dans ce temps-là, on était payés à la job, au nombre de cordes. Au début, tu gagnes pas gros ! On en arrachait mais il y avait pas d’autre chose. »
C’est son frère Clément qui lui a montré comment limer, « pis après ça, envoye dans le bois ! Pas de casque, pas de pantalon paddé, des bottes de cuir … fallait être attentif ! À l’époque, il y avait un moulin à foulon, au pied des côtes, chez Pierre Anselme. Les femmes nous faisaient des grosses culottes d’étoffe. Quand il faisait doux, la neige collait après, et ça devenait lourd. On était gros comme des bonhommes de neige ! »
Au commencement, il n’y avait pas de bois pulpe, les hommes ne faisaient que des billots de 12 pieds avec du sapin ou de l’épinette. Marcel se rappelle qu’il faisait jusqu’à 8 billots dans une même épinette ! Les pins, par contre, il n’en restait plus tant. On s’en servait alors pour les couvertures, les châssis, vu que du pin, ça ne pourrit pas !
« On campait pour commencer, ça veut dire qu’on construisait le camp où on allait passer l’hiver, une étable pour les chevaux. Après on bûchait et on charroyait le bois. J’en ai bâti pas mal des camps ! Dès fois, le samedi soir, il y en avait qui jouait de la musique, on s’amusait, on se voisinait, on courait les camps, y’en avait en masse dans le bois, c’était plaisant ! Pis y’avait du monde de partout qui restait là, même de Chicoutimi. On n’avait pas connaissance des fêtes, on restait sur le chantier, on partait au mois d’août, pis on revenait au printemps en mars. »

« Sur les chenaux, il y avait plusieurs camps : le grand camp de Périgny, le camp des Perron, la coupe à Joseph Houde. Le rang de Périgny s’est ouvert avec le syndicat qui commençait. On s’en rappelle de tous ses souvenirs, mais ça prend du temps à revenir ! Moi c’est les noms. Bientôt tu vas me demander le mien pis je m’en rappellerai plus ! », confie monsieur Marcel avec un sourire coquin.
Ce joyeux personnage qui habite maintenant à la Résidence pour Aînés a effectivement, pour celui qui aurait envie de prendre le temps, encore bien des souvenirs à partager. Et ceci n’est que le premier chapitre d’un livre qui pourrait s’intituler : À force d’homme, on a fait ben des affaires !