Portrait de la Rivière-Éternité

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Cage de capture à saumon et omble de fontaine anadrome (truite de mer) sur la rivière Éternité, pour le dénombrement des adultes en migration vers les sites de reproduction.

Entrevue avec Karine Gagnon, biologiste.

Karine Gagnon, biologiste au ministère des Forêts, de la Faune et les Parcs (MFFP) depuis 2008, s’occupe de la gestion des poissons du lac Saint-Jean. En 2016, s’ajoute à son mandat la gestion des espèces anadromes de la rivière Saguenay et ses tributaires, dont le saumon et l’omble de fontaine anadrome (truite de mer) des rivières de Saint-Jean, À-Mars, Sainte-Marguerite et Éternité.

Quelles sont les espèces présentes dans la rivière?

Dans la rivière Éternité, grâce à différentes études, plusieurs espèces ont été répertoriées telles que le saumon, la truite de mer, différents cyprins, de l’épinoche, des gaspareaux, des lamproies, des meuniers rouges, des meuniers noirs, des naseux des rapides, la ouitouche et de l’anguille. On observe également la présence de mulettes perlières. Ses larves, dans le cadre de son cycle de vie, s’accrochent aux branchies des saumons pour pouvoir se déplacer sur la rivière et coloniser de nouveaux secteurs. Les moules d’eau douce ou mulettes sont généralement toxiques pour l’humain, mais la mulette perlière, qui est en déclin dans son aire de répartition, est présente dans la rivière Éternité. La mulette perlière est un indicateur de la bonne qualité de l’eau, mais ce serait à confirmer avec le ministère de l’Environnement. De plus, la présence de salmonidés tels que la truite de mer et le saumon, est aussi un indicateur de l’intégrité écologique d’une rivière.

Est-ce qu’il y a du braconnage sur cette rivière ?

La détection des infractions commises envers la faune et ses habitats est un dossier administré par les agents de la protection de la faune. Mon rôle au sein du MFFP, consiste à réaliser des suivis fauniques pour vérifier si l’exploitation d’une espèce est adéquate. Je ne suis pas informée des dossiers de braconnage, ce sont des informations confidentielles. Mon rôle sera plutôt d’informer les agents de la précarité des espèces.

Par exemple, l’année passée, on a recensé 14 saumons dans la rivière Éternité, c’est vraiment une toute petite population et l’un de ceux-ci a été observé avec une ligne à pêcher accrochée à la bouche. À ce moment-là, on a informé les agents de protection de la faune.

Dans les 3 dernières années, la protection de la faune a reçu 4 signalements d’acte illégal pour des activités de braconnage dans la rivière Éternité. Cependant, aucun de ces signalements n’a mené à l’émission de rapport d’infraction.

Anguillette prise par Charles-Antoine Brassard

Quelle est la mission du MFFP en lien avec nos rivières? processus de surveillance? recueil de données ?

La grande mission du MFFP est d’assurer, dans une perspective de gestion durable, la conservation et la mise en valeur des forêts, de la faune et des parcs nationaux pour contribuer à la prospérité et à la qualité de vie des utilisateurs de la ressource.  Pour sa part, la direction de la gestion de la faune mesure l’état de santé de certaines espèces pour s’assurer selon les cas, que l’exploitation est adéquate. Plusieurs méthodes sont possibles pour recueillir des données sur les poissons. Par exemple, la barrière de dénombrement de saumons et truites de mer ou des pièges spéciaux, comme ceux utilisés en 2021 pour capturer des anguillettes vivantes (piège Sullivan). Des technologies de suivis télémétriques peuvent aussi être utilisées pour des besoins particuliers.

Relevée d’un piège du type Sullivan à jeune anguille au stade anguillette. Sur la photo, Charles-Antoine Brassard (MFFP)

Notre rôle est aussi de sensibiliser les pêcheurs aux bonnes pratiques, pour contribuer à la saine gestion des populations et à la préservation de l’environnement. Par exemple, il ne faut surtout pas transporter vivants des poissons d’un plan d’eau à l’autre. Ces introductions illégales, telle que celle de l’achigan au lac Des Habitants, à mi-chemin entre le lac St-Jean et le Saguenay en est un bon exemple. Cette espèce, est normalement présente dans les plans d’eau du sud du Québec, mais dans notre région elle ne l’était pas. L’achigan est une menace parce qu’il est un compétiteur reconnu pour les salmonidés, alors son introduction crée de grands dangers pour les populations présentes. Malheureusement, il y a beaucoup de cas semblables dans la région.

Le nettoyage de son embarcation et ses équipements de pêche, lorsque utilisés sur plusieurs plans d’eau, est aussi une bonne pratique à ajouter aux préparatifs de pêche. Cette action diminue les risques d’introduire ou propager des espèces exotiques envahissantes.

Quels sont les gestes à poser ou à bannir pour protéger cette ressource?

Les pêcheurs sont parfois critiques envers les règlements entourant la pêche, mais l’objectif premier, c’est de s’assurer que les populations vont demeurer pérennes. Donc la première chose à faire si l’on veut collaborer à la bonne santé de la population de poissons, c’est de respecter la réglementation en vigueur du point de vue la pêche :  les limites de prises, les périodes et les engins de pêche.

Si quelqu’un constate des actes illégaux ou du braconnage, il ne faut pas hésiter à aviser les agents de protection de la faune. La ligne SOS Braconnage (1 800-463 2191) est disponible 24H\24 7J\7 et elle est totalement confidentielle. Rappelons-nous que la protection des habitats fait aussi partie de la mission des agents. Vous pouvez dénoncer à la même ligne téléphonique la destruction des berges ou des sites d’accumulation de déchets par exemple.

Quels sont les liens entre la SÉPAQ et le MFFP? Plus précisément la rivière fait-elle l’objet de mesures différentes parce qu’elle côtoie le Parc par exemple ?

Selon les projets, le MFFP et la SÉPAQ peuvent collaborer. Par exemple, à l’été 2021, ma direction et le Parc national du Fjord-du-Saguenay avons conjointement inventorié les truites de mer et les saumons adultes dans la rivière Éternité. Le Parc a toujours un grand intérêt à connaitre l’état de santé des espèces présentes sur son territoire. Sa mission, d’assurer la conservation permanente du territoire, complète parfaitement celle du MFFP.