Récolter les herbes sauvages !

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Crédit photo : Milena Meduri

Rencontre avec Monika Schnug, productrice de plantes médicinales.

Depuis son plus jeune âge, Monika Schnug a toujours travaillé dans l’agriculture. Faire de la culture biologique était pour elle un moyen d’offrir à tous des produits bons pour la santé. Le mouvement biologique a commencé au début des années 70 en Allemagne, son pays d’origine. En arrivant au Québec en 1984, elle se retrouve bien surprise la première fois qu’elle entre dans une pharmacie ! « En Allemagne, quand tu vas chez un apothicaire, tu peux trouver toutes les plantes médicinales séchées que tu veux, tu peux aussi ramener des plantes ou des champignons à identifier, le pharmacien saura te conseiller, il est formé pour ça. Ma première visite dans un Jean Coutu, je ne croyais pas ça ! À l’époque, il existait au Québec seulement deux jardins de plantes médicinales, La Clé des Champs et l’Armoire aux Herbes. J’ai donc décidé de me lancer dans la production de plantes médicinales », raconte celle qui a été la propriétaire du Jardin de Tournesol sur les Plateaux à L’Anse-Saint-Jean durant 12 années.

Une partie du Jardin de Tournesol

Pour cette femme, cultiver des plantes cela va bien au-delà de juste gagner sa vie… surtout qu’il est très rare celui qui fait fortune en agriculture. « C’est par engagement envers la société que j’ai choisi cette profession, je voulais donner au monde la possibilité de manger et de se soigner avec des produits de qualité, sans polluer les sols et à des prix accessibles à tous », poursuit cette femme de convictions. Monika Schnug vient de passer pour la première fois de sa vie quelques jours à l’hôpital où la nourriture ne l’a pas vraiment impressionnée. « Dans un lieu où l’on soigne des personnes, il me semble pourtant que la bonne santé commence par de bons aliments. »

Si l’on priorise de plus en plus la prévention en médecine moderne, avec des médecins qui prescrivent des marches en forêt ou réfèrent vers des médecines alternatives comme l’acupuncture ou l’ostéopathie, des progrès sont toujours possibles. « Notre corps c’est notre outil. Si on en prend soin, on aura la chance de vivre plus longtemps », précise celle qui est bien consciente que dans nos sociétés modernes, le temps et l’argent font également partie des enjeux. « Le stress est sans doute une des pires choses pour la santé. Je vous le dis, si tout le monde passait au moins un petit moment par jour les mains dans la terre, notre santé collective serait bien meilleure ! »

Le Jardin de Tournesol a accueilli durant toutes ces années une quarantaine de stagiaires qui y ont découvert à la fois la culture de plantes médicinales et maraîchères. « Mes stagiaires, surtout des femmes d’ailleurs, apprenaient aussi à faire des transformations de plantes, ils partaient avec toutes mes recettes, je suis contre le secret dans ce domaine. C’est une connaissance que j’ai apprise des autres et que j’ai voulu transmettre à mon tour. » 160 plantes cultivées ou récoltées au Bas-Saguenay seront ainsi transformées en onguent, huile, teinture ou tisanes dans un laboratoire, toujours aux Plateaux. Sans se définir comme féministe, Monika Schnug remarque juste que la médecine moderne a mis une centaine d’années à accepter que des femmes puissent prétendre soigner, elles qui avaient pourtant tant de connaissances dans le domaine de l’herboristerie.

Le volet de la transmission fait tout autant partie des valeurs de cette jardinière qui a également enseigné la culture et la transformation de plantes médicinales à l’école d’herboristerie FloraMedicina. « Si vous savez faire une sauce à spaghetti, vous pouvez fabriquer vos propres remèdes. Il suffit de suivre la recette », sourit celle qui tient à préciser qu’on parle souvent des abus dans l’utilisation des antibiotiques par exemple, qui finissent par ne plus faire effet. « Mais c’est la même chose pour les plantes. Avec l’échinacée, une plante bien connue qui stimule le système immunitaire, il faut savoir que si on l’utilise au moment d’une grippe, c’est parfait mais si on en prend trop régulièrement, elle va finir par épuiser le système à force de le stimuler. »

Avant de partir, Monika voulait juste me rappeler cette phrase qu’elle dit si souvent : « Il n’y a pas de mauvaises herbes, il y a juste des herbes sauvages. C’est nous qui trouvons qu’elles ne poussent vraiment pas au bon endroit mais si on regarde cela du point de vue de l’herboristerie, tant le pissenlit, l’ortie que le chiendent, elles ont des qualités médicinales extraordinaires. En plus, ces plantes nous donnent des informations sur la qualité des sols ! », conclut cette femme qui a bien hâte de retourner cet été jouer les mains dans la terre.