Une petite ferme parmi les montagnes

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Une photo de la vue à partir de la ferme des Paysans du Fjord à Saint-Félix
Située su rle vieux chemin de Saint-Félix, la vue imprenable des Paysans du Fjord. Crédit photo : Jérôme Côté-Allard

Petite fille j’arrivai à l’Anse-St-Jean dans les bras de parents qui rêvaient d’autosuffisance. À l’âge adulte, je restai avec ce désir de m’établir, de prendre soin d’une grande parcelle, je croyais, et je le crois encore, qu’en veillant tous et chacun sur une partie de terre nous protégerions notre environnement du chaos climatique.

C’est ainsi qu’à 25 ans, enceinte de ma première fille et avec mon amoureux, nous prîmes possession d’un lot sur lequel nous établîmes une ferme… Partant de rien, avec un rêve agricole, nous construisîmes nos bâtiments, nous eûmes 3 autres enfants, nous buchâmes la montagne et tant d’autres réalisations pour bien établir notre ferme. Nous réussîmes même, à nous acheter une quinzaine de kilos de quotas laitiers et à nous faire certifier biologiques. L’entraide des producteurs d’ici et de notre famille fut au rendez-vous. Ainsi, jour après jour, année après année nous apprîmes le métier d’agriculteur…

Ce métier est fort, est gratifiant, est intense. Pour un agriculteur, chaque année est un défi à relever et on développe certains concepts qui sont propres à notre métier. Le premier, c’est l’intemporalité de nos terres, elles étaient là avant nous et elles seront encore là ensuite pour nos enfants. Quand on regarde un champ au pied d’une montagne, ce n’est pas un paysage que l’on aperçoit, pour nous, c’est une histoire de défrichage, de labour, de tas de roches, de semences, d’anecdotes d’animaux au pâturage ou de tracteur brisé. Finalement, il y a cette dernière idée qui effleure notre esprit, ce souci du futur… qui continuera de veiller sur cette parcelle ?

On arrive au second concept, la famille… Cultiver ce n’est pas quelque chose de solitaire, c’est la présence de nos enfants tôt le matin dans l’étable pour nous aider à faire vêler une vache, de nos petits qui s’endorment dans leur balançoire pendant que l’on termine la traite, de ceux-ci qui font du vélo librement dans les champs, ces mêmes champs dont ils auront un jour la responsabilité. Nous sommes en symbiose avec notre entreprise agricole, alors la famille suit. On doit veiller sur nos animaux, leur santé n’attend pas.

Dernier concept, la constance, on ne s’arrête pas, il est rare que l’on puisse se faire remplacer. Ainsi, on ne prend que de petites vacances et surtout… on ne doit pas tomber malade. En agriculture, les congés maladie n’existent pas vraiment… Alors on essaie de rester fort sans fléchir… Mais quelquefois, il arrive qu’on fléchisse, alors on cherche à s’alléger. Ainsi, la ferme change un peu, mais au détour de cette vie, on décide d’écouter nos enfants qui veulent que l’on conserve quelques animaux, leurs préférés. Au fond, la terre ce n’est pas pour l’argent, ce n’est pas pour le pouvoir, c’est pour la vie, pour leur laisser un coin de paradis… 18 années plus tard, on se surprend, la ferme est restée vivante, autrement, mais elle demeure… Les bovins de boucherie pâturent, les champs sont verts, les érables coulent.